La forêt magique

Automne

- Tu dois arrêter de le voir !

Tommy fixait Gabriel avec un regard qui ne lui laissait aucun choix. Sa voix était dure et tranchante.

- Il est toxique ! Il te met des idées farfelues dans la tête !

- C'est mon ami... c'est notre ami ! Pourquoi le rejettes-tu ainsi maintenant ?

- Gab, ouvres les yeux !

Il n'en dit pas davantage, le message était censé être  clair. Seulement, Gabriel, pourtant d'aspect robuste avec sa grande taille et son allure de playboy, ne sentait comme un petit garçon en train de se faire gronder. Il ne comprenait rien à la réaction de Tommy. C'était pour lui bien trop exagéré !

- Ecoute-moi, il a changé, ce n'est plus le même... Il a sa vie sans toi maintenant. Femme, enfant... il s'en
moque bien de ton existence !

Sa voix s'était adoucie. Même son visage avait changé. Il souriait. Tommy plongea son regard dans celui de Gabriel. Il sembla à ce dernier que, malgré l'empathie qu'il voulait dégager, qu'il n'avait jamais été aussi noir...

A part peut-être... Mais son esprit s'embrouilla, encore une fois...

*

L'herbe, fraiche et humide de rosée, lui chatouilla la plante des pieds, ce qui l'amusa follement ! Le soleil matinal commençait à percer et ses rayons l'enlacèrent d'une douce chaleur réconfortante.

Lucy observa  le monde qui l'entourait. Un regard empli d'innocence.

Du haut de ses 8 ans, elle ne voyait que la beauté d'un paysage aux nuances multicolores.
En ce début d'automne, quasi estival, la petite fille, joyeuse et pleine de vie, son doudou, qu'elle appelait Loulou, dans les bras, profitait de ce moment en toute insouciance.

*

Gabriel ouvrit les yeux. S'était-il assoupit ? Peu importe...

Presque avec une certaine inquiétude, il regarda autour de lui. Mais Tommy n'était plus là.

Qu'est-ce qui lui avait pris de réagir comme ça ! Josh était quelqu'un de bien ! Tous les trois formaient un trio d'ami depuis des années. Ils avaient partagé tant de choses ! Tommy devait se reprendre. Aucune chamaillerie, telle quelle soit, ne devait venir entacher cette amitié longue de plusieurs décennies. Et puis quoi, rien ne justifiait un tel acharnement de sa part. Josh ne lui avait rien fait. Qu'était-ce alors ? De la jalousie ? Absurde...

Gabriel ne voulait plus y penser. Il se dirigea vers la salle de bain. Il trouva son reflet dans le miroir extrêmement fatigué. Ses traits étaient creusés, ses yeux cernés mais n'avait aucune envie de se
reposer. Il repensa à l'invitation qu'il avait reçu. Pourquoi pas. C'était toujours mieux que d'affronter ses cauchemars. Autant reporter l'échéance et avec un peu de chance il serait tellement crevé que ses rêves resteraient complètement dans le néant...

*

Non loin de Covent Garden, un quartier qu'elle appréciait particulièrement, Mary, la trentaine bien passée, participait à une soirée organisée par sa société à l'hôtel Savoy, l'un des plus luxueux de la ville. Pour l'occasion, elle portait une longue robe noire à dos nu, mettant en valeur
les courbes gracieuses de son corps. Elle avait opté pour un maquillage discret mettant en valeur ses yeux couleur noisette. Sa longue chevelure châtain s'étalait, en toute liberté, le long de ses omoplates.

Un verre de champagne à la main, la jeune femme, s'ennuyait ferme. Les soirées mondaines, ce n'était vraiment pas sa tasse de thé. Sans être agoraphobe, la foule l'angoissait. Surtout depuis que Mike était parti. Elle avait un côté solitaire, un trait de caractère qui la caractérisait particulièrement. C'est pour cette raison qu'au bout d'une heure, elle pensa qu'elle avait suffisamment fait acte de présence et commença à préparer son départ, qui de toute manière, serait peu remarqué. Mary terminait son verre quand un homme qu'elle ne connaissait pas s'approcha d'elle. Il était de grande taille, le
cheveu grisonnant, quarante-cinq, cinquante ans peut-être, belle allure.

Il était même séduisant, très séduisant...

-     Bonsoir

En prononçant ce simple mot, il arbora un sourire espiègle qui ne laissa  pas Mary indifférente. Mais cette dernière n'en montra rien.

Il continua :

- Cette soirée est soporifique vous ne trouvez pas ?

Elle ne pouvait qu'acquiescer. Son verre toujours en suspension au niveau de se lèvres, elle lui adressa une réponse affirmative avec un rictus idiot sur le visage engendré par la timidité et certainement aussi l'alcool qui commençait à lui monter à la tête.

« Quelle cruche ! Il va se barrer vite fait ! »

Mais il resta. Ils bavardèrent un peu, beaucoup, au point que Mary en oublia complètement son ennui.

Il lui plaisait... Grave !

*

Fin de l'hiver

Le jour se levait à peine. La visibilité était réduite par le smog. Il faisait très froid. La Tamise voisine semblait gelée, on percevait à peine le clapotis de ses remous contre les rives.

Le lieu était désert, toute âme censée se tenait bien au chaud. Seulement, ce matin-là, l'ombre, errante se déplaçait lentement sur le Queen's Walk. Un lieu pourtant si prisé des touristes. A cet instant, on se retrouvait propulsé dans le temps, en compagnie de cet ange du mal, Jack l'éventreur, non loin de Whitechapel, son lieu de prédilection.

Le visage de l'ombre était livide, totalement exsangue, comme si toute once de vie l'avait fuie. Son corps déambulait à la façon d'un fantôme à qui il ne manquait que ses chaînes. Elle semblait flotter dans ce brouillard opaque, cheminant sans but précis.

Que cherchait-elle ? Qui le sait ? Quelques immondicités à se repaître ?
Peut-être...

Lorsque les hautes tours du Tower Bridge émergèrent de la brume dense et pesante, l'ombre s'arrêta. Son regard resta fixe un instant comme si elle contemplait le monument mais ce n'était qu'une apparence, il était en réalité stérile, exempt de tout sentiment, de toute expression. Ses yeux ne distinguaient plus grand chose. Il y avait là seulement quelques réminiscences de douleur. Son regard était vide, il était déserté par toute once de vie normale, il était totalement fade, inerte, il n'exprimait absolument plus rien... à peine une couleur terne et morbide... la couleur des âmes mortes...

Puis sa tête complètement échevelée s'inclina mollement vers ses mains. Malgré son trouble oculaire persistant, en contraste flagrant avec l'ambiance environnante et son faciès blême, elle discerna la teinte rougeâtre, une couleur pourprée... Celle du sang...

L'ombre se demanda alors à quel moment elle avait basculé dans l'horreur...


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© 2018 Stéphanie Aubineau
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